Tragique destin
Tragique destin,
Ma mère s’amusait à me tirer les cartes et je me
souviens de l’intonation de sa voix quand elle
disait gravement.
Elle n’avait pas le genre d’une tireuse de cartes et
devait abaisser le timbre de sa voix…
« Coupe le paquet en trois en venant vers ton cœur »
Ou bien elle me disait en me regardant les lignes de
la main :
« C’est drôle, on dirait que cette main a le pouvoir
de faire grossir les objets » et on riait de bon
coeur…
Elle me prédisait des châteaux en Espagne, et je
voulais y croire.
Après mon mariage, elle vient nous visiter et
pendant que mon mari travaille comme policier
jusqu’à minuit, on joue aux cartes à deux et ça
finit toujours par une petite brasse de prédictions…
Et elle se trompait rarement…Je lui disais en
plaisantant qu’elle parlait au diable.
Un soir, mon amie Sue m’appelle, comme chaque soir
après souper, me dit que son mari lui a offert une
boite de chocolats aux cerises avant de partir pour
la chasse pour la fin de semaine, il dormira au
chalet pour se reposer…
Comme c’est un homme qui ne lui offre jamais le
moindre cadeau, ma mère me dit en riant: « Il doit
bien sentir sa mort pour lui donner un cadeau » et
on continue notre partie de cartes.
Mon mari arrive de travailler vers minuit quinze,
prend sa douche, sirote une tasse de thé en
plaisantant avec nous, puis il va se coucher sachant
que maman dort très tard…
Vers 1heure le téléphone sonne, un lieutenant de
police demande à parler à Bob qui dort profondément.
J’essaies de le convaincre de rappeler le lendemain,
rien à faire, il insiste, c’est très urgent…
Bob vient répondre au téléphone à la cuisine et tout
ce qu’on entend c’est :
« Quoi? Quand? On arrive »
Il raccroche rapidement et me dit : «Fais vite, Carl
est mort, et Sue a besoin de toi »
Sue vient d’avoir son 4e enfant depuis 2 semaines à
peine et n’a aucune sœur et sa mère, très âgée ne
saurait lui être d’aucun secours.
Maman joue le rôle de gardienne et nous voilà
partis…
Robert conduit vite, il a les mâchoires crispées, ce
n’est pas le temps de poser des questions, il n’est
plus le même et semble absorbé dans ses pensées…
Tout ce qu’il me dit, c’est que l’accident est
arrivé à un passage à niveau et qu’ils ont été
frappés par un train.
Je suis glacée d’horreur…
Arrivés sur place, Sue se jette dans mes bras et
pleure sans arrêt…
Les policiers qui parlent bas dans une autre pièce,
tentent d’organiser de l’aide pour aller identifier
le corps à plus de 700 km et c’est nous qui devons y
conduire Sue…
Mon mari se chargera de l’identification pour
épargner la pauvre Sue
qui n’est plus qu’une loque humaine.
Ma mère gardera chez-nous et la femme d’un autre
constable ira garder les enfants de Sue à la maison.
Nous partons à 7 heures du matin…
En route, mon mari me regarde parfois dans le
rétroviseur et je sens comme une détresse dans son
regard, je sens qu’il sait des choses que j’ignore…
Sue pleure et nous devons faire une halte pour
prendre une bouchée et faire le plein.
Elle prend seulement un café qu’elle boit à peine,
les yeux dans le vide et les larmes coulent dans sa
tasse.
Mon mari, visiblement mal à l’aise, lui dit : Je me
demande si les parents des autres victimes seront
sur place…
La réaction ne se fait pas attendre : « Les autres
victimes? »
Oui, Carl n’était pas seul, deux autres personnes
l’accompagnaient, un homme et une femme.
Mais il ne m’a jamais dit qu’il emmenait d’autres
gens qui sont-ils?
On verra bien sur place dit-il.
Bob savait qu’il devait rencontrer les policiers
devant l’hôpital…
Il y avait aussi d’autres gens, parents des autres
victimes qui nous attendaient grelottants sous la
neige qui tombait drue.
Après les informations sur les circonstances de
l’accident, on nous apprend qu’il y a un survivant
qui est dans le coma à l’hôpital puis le policier
ouvre la valise arrière de l’auto-patrouille et
commence à sortir les effets des victimes :
Paire de bottes d’homme, Bob en prend possession
ainsi que le jacket à carreaux que portent tous les
chasseurs…
Paire de bottes de femme, la famille de la jeune
femme en prend possession et la distribution
continue jusqu’au dernier article…
Mon amie est effondrée, et me dit que cette femme
devait accompagner Carl, mais Bob lui disait que
non, qu’elle devait accompagner Jules, celui qui a
survécu…
J’essaie de la persuader mais elle me répond : Bob
voyons donc, as-tu vu de quoi il a l’air Jules? Pas
une fille ne l’aurait accompagné…
On va à la morgue, pas de doute c’est bien lui dit
Bob mais le corps est très gravement mutilé.
Mon amie, folle de douleur, donne des ordres au
directeur de la morgue à savoir qu’elle ne veut
absolument pas que les 2 corps reviennent à Montréal
dans le même véhicule de la morgue, qu’elle paiera
le prix qu’il faut mais elle y tient…
Quand nous nous sommes retrouvés seuls mon mari et
moi, il avait l’air préoccupé et il m’a dit qu’il
devait accompagner Carl à la chasse mais qu’il
n’avait pu se libérer en échangeant ses jours de
congés avec un collègue.
Ils devaient partir seuls tous les deux et il dit
qu’il serait certainement mort lui aussi s’il
l’avait accompagné…
Je me suis posé des questions à savoir s’il y serait
allé seul….
Sue a découvert en allant dans la garde-robe que les
fusils de chasse étaient
restés à leur place et que Carl ne les avait pas
apportés pour son voyage de chasse…
Elle en a vite déduit que ce voyage n’avait été
qu’un prétexte pour aller passer le week-end avec sa
jeune maîtresse.
Sue est devenue très distante avec tous ses amis et
déménageait fréquemment…
J’étais sans nouvelles durant des semaines et je
devais appeler sa vieille mère
pour apprendre sa nouvelle adresse…
Elle m’a fait le coup 5 fois dans 1 an…Elle était
déboussolée la pauvre…
Puis j’ai cessé d’essayer de la retrouver car je me
suis aperçue qu’elle voulait couper les ponts.
Je me demande ce qu’elle est devenue après tant
d’années…
L’auriez-vous connue?
Et si j’ai la chance d’être lue par toi ma chère
amie d’autrefois, saches que je pense à toi le jour
de ton anniversaire en décembre…
Écris-moi à cette adresse :
gaby@papy16.net
J’attends de tes nouvelles…
À bientôt mes amis…
Votre amie …
Merci papy16 de m’accueillir chez toi… |