Le secret d’ Emma …2ème partie

Je me hâte vers les magasins de la rue Ste Catherine qui doivent ouvrir
bientôt…
En attendant, je prends un café et une brioche dans un petit restaurant où on me remarque avec insistance, probablement à cause de mon manteau…
Assise près de la vitrine je vois passer les tramways et les gens qui se hâtent vers leur travail …
Je vois aussi passer la vendeuse qui me sert habituellement dans un chic magasin …
Je paie la facture et sors en marchant dans la neige nouvellement tombée…
Les trottoirs ne sont pas déblayés et je crois bien que la tempête va être assez forte pour tout bloquer…
Ça n’est pas pour m’effrayer car j’ai suffisamment d’argent et mon chéquier avec moi…
Je voudrais tout de même pouvoir prendre le train à 19 heures…

Arrivée au magasin luxueux où je fais souvent affaire à cause de la qualité des robes haute couture…

Madeleine vient à ma rencontre et j’en suis bien contente car elle connait mes goûts et n’hésite pas à me conseiller pour m’aider dans mes choix…
Je passe l’avant midi à essayer différents styles…
Madeleine me dit parfois :
Non surtout pas ça mademoiselle, c’est trop vieux pour vous…
Tenez, je vais vous chercher quelque chose que nous avons reçu hier…
Je sais que la patronne veut écouler le stock le plus ancien mais laissez moi m’arranger avec ça …
Madeleine revient avec une robe d’un grand chic, et aussi d’un prix très élevé …
Cette robe me va à ravir naturellement…
Madeleine me dit en riant : Si vous portez cette robe unique en son genre, vous allez briser plus d’un cœur …
Dites moi Madeleine, c’est quoi ce tissu vaporeux?
De l’organza Mademoiselle, c’est ce qu’il y a de plus porté à paris actuellement…
Je me regarde dans le miroir en tournent sur moi-même et demande à réessayer la précédente…
Rien à faire, mon choix est fait d’avance mais je sais que maman va avoir envie de me tuer en voyant cette robe noire aussi je vais m’arranger pour qu’elle ne la voie pas avant le soir du bal… …
D’accord, c’est celle-là que je mettrai pour le bal…
Et puis je prends aussi l’autre pour le party des fêtes…
En sortant du magasin, je prends le tramway vers l’ouest de la ville pour
me rendre chez O’Gilvey’s le grand magasin où la clientèle est surtout anglophone et le style de robes aussi, ça plaira à mon Irlandaise de mère …
Là j’y trouve quelques robes en beau lainage, plus classiques pour les fêtes que je pourrai quand même mettre durant tout l’hiver…
Retournant dehors, la tempête fait rage, le vent souffle, la neige s’accumule sur les trottoirs…
Je regarde ma montre, 14 heures, j’ai le temps de me trouver les chaussures qui conviennent avec ces robes me dis-je…
Malgré la fatigue qui me gagne, je marche un peu sur Ste Catherine en revenant un coin de rue vers l’est …

Tiens, une nouvelle boutique de l’autre côté de la rue…
Et pourquoi pas là…
En entrant dans ce magasin tout récent, j’ai tout de suite su que je trouverais ce dont j’avais besoin…
Une jeune vendeuse vient à ma rencontre et me dit : Bonjour mademoiselle dites moi ce que vous cherchez et je saurai trouver les chaussures dont vous rêvez…
Je chausse du 5 et on n’a pas toujours cette pointure sauf si vous avez encore des échantillons…
J’ai vu ce que je cherche dans la vitrine mais je les voudrais d’une autre couleur…
Je cherche quelque chose de vraiment spécial qui devra être assorti à la robe que j’ai dans cette boite…
La jeune fille regarde ma robe avec admiration, sourit, s’absente quelques minutes puis revient en tenant du bout de son doigt un chic soulier cocktail en suède de toute beauté en me faisant essayer le pied gauche…
La teinte s’apparente vraiment à la garniture de la robe…
Je suis ravie mais je tiens à essayer les deux et marcher sur le tapis…
Comme je suis la seule cliente dans le magasin je m’attarde un peu à regarder mes pieds dans le miroir en tenant la robe près de la cheville pour bien voir l’effet…
Mademoiselle veut-elle en voir d’autres?
Dans l’autre boite il y a quelques robes d’un beau lainage mais je voudrais quelque chose de plus chaud…
Apportez- moi du 5 et du 6 S.V.P. …
Du 6? Oui j’en veux une paire pour ma mère car une de ces robes est pour elle…
La jeune vendeuse est tout excitée et trouve un talon un peu plus bas d’un soulier de couleur cuivrée, tout à fait pour aller avec la robe de ma mère…
Et pour moi elle me trouve tout ce dont j’ai besoin…
Bon, je vais vous faire un chèque et j’essaierai de prendre mon train de 19heures…
La vendeuse est confuse de lui dire que le patron n’accepte pas de chèques…
Dis à ton patron qu’il vaut mieux accepter mes chèques car je paie toujours de cette façon et s’il veut me garder comme cliente il devra assouplir son règlement…
Je peux te laisser la marchandise et il téléphonera à ma banque demain mais tu devras m’envoyer ces achats par le train car je demeure à Drummondville.
Après avoir discuté avec son patron elle revient en disant qu’il va faire une exception pour cette fois seulement …
Au revoir alors dis-je en ouvrant la porte pour me retrouver dans la neige à moitié jambe…
Il est 16.30 hres je vais avoir amplement le temps de souper d’ici 19 hres …
Je crois que je vais aller souper à l’hôtel Mont Royal puisque j’ai du temps devant moi…
Je m’y rends à pieds car c’est vraiment près d’ici…
Il faut dire que mes paquets sont encombrants mais je vais y arriver…
Il fait de plus en plus froid…
Mes bottillons ne montent pas assez haut…
Ils sont bien chics sur la terre ferme mais je me sens ridicule dans cette tourmente…
Même mon manteau est trop long et balaie la neige…
Bon, j’arrive enfin à l’Hôtel, la chaleur me fait le plus grand bien…
Je sens mes joues rougir une fois installée dans la salle à manger…
Je n’ai pas l’habitude de consommer de l’alcool mais pour une fois je commande un apéritif qui me fait rougir davantage…
Je regarde le menu car j’ai une faim de loup…
Le garçon, serviette sur le bras, vient prendre ma commande…
Je prends un potage en me disant que ça me réchauffera…
Il m’offre de prendre une autre table près du mûr pour pouvoir disposer de mes paquets plus facilement…
Il m’aide à m’installer et j’avoue que je suis plus à l’aise à cet endroit…
Je sors une revue de mon sac à main pour faire des mots croisés tout en sirotant mon apéritif…
Soudain, l’homme qui m’a sauvée la vie dans le train est devant moi…
Me saluant bien bas, il demande s’il peut se joindre à moi puisqu’il m’a invitée à souper…
Certainement, mais avant toute chose laissez moi vous dire à quel point j’ai apprécié votre intervention dans le train…
Je ne saurai jamais assez vous remercier…
Le serveur qui semble connaitre Gontran lui dit :
Alors Monsieur, comme d’habitude?
Non, cette fois je prendrai comme mademoiselle…
La conversation s’engage de sorte que nous faisons plus ample connaissance…
Heureusement que nous sommes près de la gare dis-je puisque mon train part à 19 heures…
Vous n’y pensez pas? Les routes sont toutes fermées d’après ce que j’ai entendu à la radio avant de quitter ma chambre…
Je doute que les trains puissent circuler avec cet amas de neige…
Dans ce cas il faut que je réserve une chambre avant qu’il n’y en ait plus de disponible…
Attendez un instant que je vérifie avec la réception…
À son retour il a déjà les clefs de ma chambre en main…
Vous pourrez appeler votre mère de votre chambre si elle a le téléphone naturellement…
Oui dis-je nous l’avons…
Mon père, avant son décès a vu à ce que nous ne manquions de rien…
Chez-nous, ce sont les voisines qui viennent téléphoner quand elles ont une urgence…
Dites- moi M. Gontran, vous faites quoi dans la vie?
Durant la guerre j’étais pilote d’avion et maintenant je m’occupe entre autre de la formation des nouvelles recrues…
Depuis la fin de la guerre, je suis affecté à des missions spéciales dont je ne peux parler…

J’espère que vous me comprenez…
Bien sur je ne veux pas être indiscrète…
Moi j’ai fait un cours commercial, je suis bilingue et j’aurais bien voulu aller à l’université pour devenir médecin mais ma mère m’a dit :
Inutile d’y penser, cette profession est pour les hommes seulement…
Je me suis consolée en lisant des ouvrages de médecine, de loi et tout ce qui me tombait sous la main…
Mère dit que sa fille ne doit pas travailler…
Ça ne se fait pas…
Et quand mère a parlé je n’ai plus rien à dire …
Je suis fille unique mais si j’avais des frères ou sœurs elle serait peut-être différente…

C’est donc pour ça que je vous ai trouvée si raffinée…
Nous avons mangé tout en jasant de choses et d’autres mais Gontran prend son courage à 2 mains et me demande :
Si on allait danser?
C’est que je ne suis pas préparée à ce genre de sortie…
Allons, vous allez certainement trouver quelque chose à mettre dans toutes ces boites …
Je vous conduis à votre chambre, vous aurez amplement le temps de vous reposer de votre journée chargée si j’en juge par les immenses paquets que vous avez là…
D’accord, si vous n’avez rien d’autre sur le programme…
Nous prenons l’ascenseur, il me dépose à ma chambre en me souhaitant de bien me reposer…
Je vous téléphonerai à 20.30 hres…
Ma chambre est à l’autre bout du couloir la dernière à droite…

Je vois que tout a été prévu dans cette chambre luxueuse…
Bain, savons raffinés, serviettes…
Il y a surtout le téléphone…
Après avoir accroché mes vêtements, je téléphone à maman pour lui dire que rien ne fonctionne sur les routes ni les trains et que j’ai décidé de prendre une chambre à l’Hôtel…
C’est cher?
Moins que les robes que j’ai achetées dis-je en riant…
Je lui donne mon numéro de chambre car je sais qu’elle va vérifier…
Ce soir, j’irai au cinéma qui est tout près d’ici pour passer le temps…
Je devrais être de retour vers minuit…
Minuit???
Oui car j’ai rencontré un ancienne camarade du couvent et nous irons ensemble après quoi nous luncherons probablement après le cinéma…
Au revoir mère et dormez bien, je suis en sécurité…

Croyez-vous qu’Emma est en sécurité?

Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine alors que je vous révélerai la suite de son gros secret…

Votre amie qui vous revient bientôt…

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