Perdue dans un
foyer…
Elle a 100 ans et ne me reconnaît
plus depuis longtemps.
Orpheline dès l’âge de 4 ans, sa mère étant morte en
donnant naissance à un deuxième enfant qui n’a pas
survécu, elle n’a pas connu la joie d’avoir des
frères ou sœurs et n’a donc que des parents éloignés
qui vont la voir de temps en temps.
Un jour, elle me demande de m’occuper d’elle, car
elle perd de plus en plus son autonomie.
Et nous revoyons ensemble des choses du passé qui
l’ont profondément marquée.
Comme près de trente ans nous séparent, elle dit des
choses dont je me souviens vaguement.
Puis, les mois passent et je lui trouve un endroit
confortable dans la ville où j’habite car il devient
dangereux pour elle de demeurer seule, elle est
frileuse et pour augmenter la chaleur ambiante, elle
se sert du four de sa cuisinière électrique pour se
chauffer à son goût.
Les voisins de palier sont inquiets et sont soulagés
quand il est question de la déménager.
À son arrivée à la « Résidence » elle n’est pas
enchantée, même si elle avait choisi de revenir
vivre dans cette ville, on dirait que la grande
ville lui manque et elle s’adapte difficilement.
Son état se dégrade rapidement.
Je me demande si le déracinement n’a pas contribué à
aggraver son état…
Un jour, elle fait une chute dans sa chambre et elle
est transportée à l’hôpital et demeure dans un état
semi comateux durant une longue période de temps…
Les autorités de l’hôpital, après une évaluation
approfondie la transfèrent dans un autre Centre
d’accueil spécialisé dans les soins de personnes non
autonomes où elle reçoit tous les soins requis par
son état.
Elle a toujours été de petite taille 4pî.10po. mais
maintenant elle est courbée et ne pèse plus que 25
kilos c'est-à-dire environ 55 livres.
Cette semaine, elle m’a reconnue pour la première
fois depuis bien longtemps et elle m’a parlé durant
environ 1 heure, puis elle m’a dit qu’elle était
fatiguée et m’a tendu les bras, ses pauvres bras
décharnés et je l’ai enlacée et l’ai bercée dans son
lit pendant que les larmes coulaient de chaque côté
de son visage émacié, et qu’elle me disait « Je
t’aime ».
J’avoue que moi aussi j’avais les larmes aux yeux de
la sentir si vulnérable…
C’était très émouvant de voir cette
arrière-petite-cousine demander à mourir sans
vraiment le vouloir car je sentais sa peur même si
elle disait le contraire…
Puis, j’ai dû repartir en lui promettant de revenir,
elle m’a souri et m’a envoyé un baiser de la main en
disant, tu sais, ta visite m’as fait du bien…
Comme je marchais dans le corridor, je l’entendais
dire « Ne m’oublies pas… »
J’y retournerai aussi longtemps qu’il le faudra,
jusqu’à la fin…
Si vous saviez le nombre de personnes âgées qui
n’ont jamais de visite…
Ça porte à la réflexion quand on pense à la période
des fêtes qui s’en vient…
Cet après-midi, j’y suis retournée pour lui
installer un petit arbre de Noël tout illuminé et
elle m’a dit « Merci madame »
Elle ne m’a pas reconnue mais elle a dit, « C’est
beau » et ça m’a fait chaud au cœur…
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