Le bal de Cendrillon
Nous sommes en juillet 1950. Elle a 17 ans et vient
d’arriver de voyage avec sa marraine, après avoir
fait le tour du Lac Saint Jean.
À peine rentrée, une amie lui téléphone pour lui
demander d’accompagner un invité de son frère pour
la soirée, ne sachant vraiment pas où le caser, et
n’étant pas elle-même intéressée car il est trop
grand à son avis…
Naturellement, il lui faut demander la permission à
sa mère qui accepte, sachant que tous les adultes de
cette famille seraient de ce parti.
Les valises sont défaites en vitesse et après avoir
repassé sa plus jolie robe
Qu’elle enfile rapidement, étant certaine de faire
bonne impression.
Et ce magnifique « Grand » jeune homme de 23 ans,
beau comme un dieu grec, la séduit dès que son
regard se pose sur elle…
Ses joues deviennent écarlates et voilà que sa
grande timidité la trahit une fois de plus…
Il est grand, svelte, sûr de lui, mais très distant
et raconte ses voyages en mer à son ami chez qui il
est en visite…
Elle est fascinée par ses récits, boit ses paroles
mais, comme il ne danse pas, ils restent tous
attablés à jaser de choses et d’autres tout en
sirotant des consommations, ou breuvages différents
selon le goût de chacun.
À l’heure du départ, il lui demande son adresse
disant qu’il lui écrirait, elle a bien des doutes,
il est si vieux et l’a à peine regardée de toute la
soirée, qu’elle se demande ce qui pourrait
l’intéresser d’une gamine qui n’a pas confiance en
elle, mais prend une chance, lui donne son adresse
et il repart le dimanche soir vers la grande ville.
Difficile à croire, cette histoire de lettre mais,
au fond de son cœur il y a quand même une lueur
d’espoir.
Le mardi matin, le facteur lui apporte « La lettre »
tant attendue…
Il lui demande s’il peut revenir la voir, il veut
avoir la chance de s’entretenir avec elle plus
privément.et a pris entente avec la famille amie qui
consent à l’héberger comme pensionnaire pour la fin
de semaine.
Elle a tout juste le temps de lui répondre en priant
le ciel qu’il reçoive sa lettre à temps…
Dès lors, ils filent le parfait amour et sa mère
s’arrache les cheveux d’inquiétude, vu son jeune
âge.
Puis un jour, il lui demande de l’accompagner pour
les fiançailles de sa sœur aînée, « pas question dit
sa mère d’un ton sévère, pas sans avoir connu cette
famille »…
Tu devras coucher chez des étrangers, dans la grande
ville, pas avant de les avoir connus, compris? …
La famille entière se rend à l’invitation de sa
mère, et les deux femmes constatent qu’elles ont
reçu la même éducation et s’entendent à merveille.
Permission est donc accordée.
Après leur départ, c’est le grand branle-bas, on
doit habiller convenablement cette jeune fille, à
peine sortie de sa chrysalide, pour son premier bal
donné à l’hôtel Mont Royal à l’occasion de la fête
de « l’Armistice » comme c’était la coutume
d’appeler cette fête du 11 novembre à l’époque…
Cette date a été choisie parce que le futur fiancé
est vétéran…
Et c’est la grande tournée des magasins pour trouver
la robe de bal rêvée pour l’occasion…
Après de nombreux essayages de toutes les couleurs,
elle choisit le vert
mais sa mère en décide autrement car cette couleur
lui donne un air maladif,
selon elle…
Finalement elles repartent avec une magnifique robe
bleue dont la couleur est assortie à ses yeux.
Puis, c’est la chasse aux chaussures…Hum…pas facile
elle chausse du
4 ou 34.5, elle pèse à peine 100 livres ou 46 kilos
et mesure 5 pi. ou 1.53m…C’est tout un contrat…On
trouve enfin les chaussures à talons hauts qui
conviennent…Ses premiers talons hauts…
Heureusement qu’elle s’est pratiquée depuis
longtemps en enfilant les souliers de ses sœurs
aînées en leur absence…
Toute fière de prendre l’autobus seule, elle arrive
enfin à Montréal où l’attendent les filles au
terminus…
On lui fait prendre les p’tits chars pour la
première fois…
Quelle chance! « Avancez en arrière » crie le
conducteur!
Elle trouve tout ça tellement drôle et merveilleux…
Toute la famille est fébrile à l’approche de l’heure
du départ et les filles se partagent la salle de
bain pour le maquillage, elle est aux anges de voir
autant de gens qui gravitent autour de sa petite
personne car elle ne s’est jamais maquillée, sauf
pour le rouge à lèvres et elles s’amusent à la
maquiller…
Si sa mère la voyait elle a l’air d’une star…
Je ne suis pas certaine qu’elle approuverait…
Puis, c’est le bal, et quel bal, qui est donné dans
la salle de bal la plus majestueuse jamais vue, même
dans les films américains.
Les lustres brillent de mille feux…Elle est éblouie
par tant de splendeurs…
Comme il ne danse toujours pas, elle se remplit les
yeux de tout ce qui l’entoure, enviant un peu les
couples qui virevoltent sur la piste de danse
au son de l’orchestre composé de quinze musiciens
chevronnés.
Quand la musique entame un « slow », il prend sa
main, la regarde intensément, et lui dit qu’il
voudrait se noyer dans le bleu de ses yeux…
Ils sont seuls, dans leur bulle, parmi cette foule
attablée à de grandes tables rondes pour se reposer
entre les danses…
Un jeune homme s’approche et demande à son compagnon
la permission d’une danse avec elle…
Elle en a tellement envie…Ses pieds battent la
mesure discrètement, sous la table depuis le début…
C’est avec regret qu’il accepte en se promettant
bien d’apprendre à danser et elle s’envole sur la
piste de danse dans les bras du jeune inconnu,
sentant bien ses yeux qui la suivent…
Ils glissent sur la piste de danse comme dans un
conte de fée…
C’est qu’il danse bien ce jeune homme !!!
Oui un vrai conte de fée quoi!
C’est un peu comme si Cendrillon renaissait dans
cette salle…
Il se fait tard et les gens commencent à partir, ils
sont tous fatigués mais s’en vont avec la tête
pleine de musique et de beaux souvenirs…
Puis, c’est le retour sur terre car elle avait
flotté sur les nuages toute la fin de semaine…C’est
aussi le retour au travail…Les lettres recommencent
à circuler régulièrement entre les 2 villes, sa mère
continue à s’arracher les cheveux en disant à qui
veut l’entendre… « Je déteste les coups de foudre!
Tout ça me dépasse! Ça va trop vite! »
La jeune fille s’installe chaque soir dans sa
chambre pour lui écrire de longues lettres
enflammées et court à la poste afin qu’il la reçoive
le lendemain.
Il continue à voyager chaque fin de semaine et ils
échangent des baisers
langoureux dès que la mère a les yeux ailleurs, et
la séparation est toujours cruelle lorsqu’il doit
retourner chez lui…
Puis, il y a la grève des employés des
postes…HORREUR!
Il prend des arrangements avec un chauffeur
d’autobus qui fait le trajet entre les deux villes,
pour lui faire parvenir ses lettres et elle lui
répond de la même façon.
Un jour, il lui dit qu’il n’a plus l’intention de
voyager comme ça et qu’il en a assez de faire la
navette chaque fin de semaine…
Veut-il rompre?
Elle est blanche comme un drap, mais il ajoute bien
vite que le meilleur moyen d’arrêter ce va et vient
serait de se marier…
Ouf! Quel soulagement!
Mais voilà, elle n’est pas majeure, elle n’a pas 21
ans, il faut la permission de sa mère…
À cette époque l’âge de la majorité était établi par
la loi à 21 ans, il fallait absolument la signature
des parents pour que le prêtre accepte d’unir un
couple dont l’un des partenaires est mineur.
La mère est intraitable…
On dirait que les problèmes commencent…
Ils continuent à se fréquenter durant des mois…
Puis, je les perds de vue lorsque je suis mutée à
l’autre extrémité de la province…
Auriez-vous eu l’occasion de les rencontrer?
Sauriez-vous ce qu’ils sont devenus?
Voyons, ils se sont connus en 1950 et nous voilà en
2020 et d’après l’âge qu’ils avaient lors de leur
rencontre, ils auraient maintenant 87 et 92 ans
respectivement…
Peut-être connaissez-vous un couple de votre
entourage qui aurait pu vivre ce magnifique conte de
fée…
Ou peut-être que vous, qui me lisez, l’avez-vous
vécu?
Vos pouvez me contacter sur cette
adresse :
gaby@papy16.net
Votre amie qui vous dit à bientôt…
Votre amie …
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