Les bretelles…

Comme tous les gens qui ont un chalet au bord de l’eau,
nous avions chaque fin de semaine de nombreux visiteurs.
Ils étaient tous fiers de participer au Barbecue que mon mari
réussissait particulièrement bien…
Chez-nous, tout le monde était bienvenu.

On faisait du pédalo, du yacht et on aurait bien voulu faire du ski nautique mais la première année, on n’avait pas assez de sous pour acheter des skis, mais on avait tout de même acheté des ceintures de sécurité.
Mon fils et ses amis avaient découvert, en fouillant dans le garage qui était plein d’objets les plus étranges, une traîne sauvage en aluminium et ils ont décidé l’utiliser pour faire de la traîne sauvage derrière le bateau…
Ils se sont amusé ferme tout l’été, et je les filmais à l’aide de ma caméra « Super 8 »
Ils en parlent encore après 40 ans, en fait, je pense qu’ils ont eu plus de plaisir qu’avec des skis.
Ils riaient et la joie était au rendez-vous chaque fin de semaine. ..
Le soir venu, on faisait un énorme feu de camp et chacun y allait de sa petite histoire un peu grivoise parfois…

Un jour, je vois arriver une compagne de travail accompagnée d’une
amie et d’une fillette de 3 ans…
Bravo venez donc vous rafraîchir à la campagne…

Il y avait un règlement chez-nous, car les jours de grands vents, le lac était dangereux et personne n’avait le droit de s’y baigner, on faisait alors des jeux sur le gazon…

Mais...La nouvelle venue ne veut pas se conformer aux règlements et plonge au bout du quai après avoir assis sa petite fille sur la plus haute marche de l’escalier qui mène à l’eau…
Je suis contrariée car le vent est très violent ce jour là et je sens la petite en danger alors je laisse ce que je suis en train de faire et vais m’asseoir auprès de la fillette en criant à la mère de sortir de l’eau que le lac est dangereux mais elle me répond en riant qu’elle est diplômée de la Croix Rouge comme « sauveteur »
Je suis inquiète car le règlement existe pour tout le monde…
Il s’écoule quelques minutes et je parle avec l’enfant et on doit hausser la voix car le lac est déchaîné et le ressac vient clapoter sauvagement contre le mur de pierre qui borde le rivage…
Quand soudain, une forte vague arrive à toute allure et soulève l’enfant que je n’ai que le temps d’attraper par les bretelles croisées de sa petite robe-soleil.
Elle est toute trempée et terrorisée…
Je la prends dans mes bras pendant qu’elle crie « Maman…Maman… »
J’ai envie de pleurer avec elle et en même temps je suis furieuse contre sa mère imprudente et quand celle-ci sort de l’eau je lui dis que le règlement lui a été clairement expliqué et lui demande de s’habiller et de partir...
Il y a un grand froid qui règne parmi les invités mais personne n’ose commenter mon geste et après le départ de l’auto, la joie revient graduellement…

Je suis certaine qu’on m’a trouvée bien sévère mais j’ai eu tellement peur pour cette enfant…
Je n’oublierai jamais ses yeux bleus noyés de larmes…
Je n’oublierai pas non plus l’air estomaqué de mon mari de me voir
en colère, il n’en croit pas ses yeux…

L’été sera bientôt là, soyez vigilants, et soyez à l’écoute de ceux qui
vous incitent à la prudence…
Vous voulez savoir si la jeune femme est revenue?
Oui elle est revenue, s’est excusée et nous sommes devenues de bonnes amies mais je l’avais à l’œil, croyez-moi…
À la prochaine, vous reviendrez me lire?

Votre amie…
 



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